C’est l’histoire d’une adolescente qui « a payé du prix de sa vie le fait d’être libre ». En 2019, dans l’Oise, à Creil, Shaïna, 15 ans, meurt, poignardée et brûlée vive par son petit ami à il apprend qu’elle est enceinte de lui. Il s’agit d’un des cent quarante-six féminicides recensés en 2019. Quelques années plus tôt, à 13 ans, elle était agressée sexuellement et tabassée pour avoir porté plainte. Une jeune fille devenue le symbole des violences faites aux femmes.
En revenant sur ce destin tragique, Laure Daussy, journaliste à Charlie Hebdo en charge des questions de société, interroge la situation des femmes dans les quartiers populaires et donne la parole aux habitants de la commune.
Pour les adolescentes de Creil, résonnent dans leurs voix le poids des rumeurs et la menace de la réputation de fille facile. Un contrôle permanent qui les empêche de vivre librement. Pour les protéger, la justice et les services publics se révèlent trop souvent inadaptés.
« Le drame de Shaïna mérite que l’on s’y attarde, car il révèle les nombreux dysfonctionnements de notre société. Les institutions policières et judiciaires n’ont pas su la protéger. Tout au long de l’instruction pour l’agression sexuelle, sa parole a été remise en cause. Et comme la justice a fonctionné lentement pour juger cette affaire, un sentiment d’impunité a pu circuler dans la cité, jusqu’à aboutir à son meurtre », écrit Laure Daussy. Et de poursuivre : « L’histoire de Shaïna n’est pas un fait divers, mais un fait de société. Une société qui a laissé prospérer ce système de réputations, dans lequel une adolescente est méprisée, qualifiée de « fille facile », dès lors qu’elle est libre, ou même, pire, dès lors qu’elle est victime d’une agression sexuelle. »
À une époque où les combats féministes prennent de plus en plus d'ampleur, pourquoi ne sont-ils pas parvenus jusqu'à ces jeunes femmes ? Si le sexisme est partout, il y a des endroits en France où le quotidien des adolescentes relève de l'urgence.