Lors des Rencontres de la laïcité, vous aborderez le thème « Refonder la démocratie pour le bien public », pourquoi ce choix ?
Aujourd’hui le fait de faire société est gravement empêché par les dysfonctionnements de la démocratie. Nous avons donné un sens beaucoup trop étroit à notre démocratie : un sens purement électoral alors qu’elle est aussi une forme de société. Je souhaite analyser le malaise démocratique contemporain et voir comment y remédier. Aller contre ces disfonctionnements, contre ce malaise démocratique c’est une façon de refaire société, ce dont nous avons vraiment besoin aujourd’hui.
Même si une société vit avec son histoire, ses références et le souvenir de ses combats, elle doit aussi fonctionner comme une communauté de délibération, de discussion et de connaissances mutuelles. En 1848, Michelet disait : « Nous ne pourrons pas faire la république si nous restons dans une terrible ignorance les uns des autres ». Refaire société c’est établir une démocratie dans laquelle la représentation de la société joue un rôle pas seulement au sens où des élus sont l’image de la société mais au sens où on rend présent les problèmes et les difficultés qui sont vécus dans la société.
Quels sont les leviers pour refaire société ?
À l’occasion de cette conférence je vais montrer comment introduire du pluralisme dans nos institutions et donner de l’importance à la qualité du gouvernement, pas seulement aux conditions de nomination des représentants. Je veux montrer qu’il faut utiliser une définition élargie de la démocratie. Ce n’est pas juste une élection, qui par définition est intermittente.
Quel regard portez-vous sur la montée du populisme ?
On peut dire que nous voyons dans tous les pays du monde, une même tentation populiste : aller vers une politique qui est définie par l’identification à un leader, vers une politique qui a une vision fantasmée du peuple et de son unité. On voit bien que ce qui caractérise notre époque c’est cette tendance à une sorte de recul de la démocratie et au développement de formes de populisme. La deuxième caractéristique, c’est qu’il y a aujourd’hui le sentiment très enraciné dans les sociétés que l’avenir est menaçant et qu’il faut résister sans imaginer d’autres formes d’avenir.
Le futur ne peut pas simplement être une vision de résistance et d’attention aux difficultés mais doit être une dimension d’imagination positive de la suite, de formes de sécurité collective, de réduction des inégalités, une image positive des conditions de la sortie d’un monde de ghettos, qui coexistent les uns à côté des autres.