Il ne s’agit donc pas d’une explosion soudaine de violence mais d’un long processus qui s’appuie lui-même sur des mécanismes connus. Il serait donc possible de l’éviter ?
Oui, une volonté internationale peut arrêter un génocide en intervenant au nom du « droit des gens », un principe universel selon lequel chaque Nation est fondée à agir pour défendre l’humanité des populations quelles qu’elles soient. Il existe d’ailleurs un outil pour cela : la Convention pour la prévention et la répression du génocide de 1948. Mais ce traité international est mal connu. Le rapport de la Commission de recherche sur les archives françaises relatives au Rwanda et au génocide des Tutsi, que j’ai présidée, montre à quel point il était largement ignoré par les diplomates.
Dans ce rapport, remis en mars à Emmanuel Macron et qui pointe des « responsabilités lourdes et accablantes » de la France au Rwanda, vous formulez un certain nombre de recommandations…
Cela a été une terrible faute de la France de ne pas avoir été capable de penser que, 50 ans après la Shoah, un nouveau génocide était possible et d’avoir systématiquement écarté les analyses divergentes sur le Rwanda. La France n’a pas compris ce génocide. Aujourd'hui, il est donc essentiel de réarmer intellectuellement les Nations, pour leur permettre de tirer les leçons du passé et agir à l'avenir pour éviter le pire. Nous recommandons ainsi la création d’un centre international de ressources sur les génocides et les crimes de masse, la réalisation d’une recherche collective sur la prévention et la répression du crime de génocide de la fin du XIXe siècle et la création d’un réseau d’alerte documentaire sur les risques génocidaires dans le monde. Il est urgent que la communauté internationale prenne à bras le corps cette immense question de la lutte contre les génocides.