Qu’est-ce qui vous a amené à opérer une « transition démocratique » à Kingersheim ?
Mon regard a changé progressivement au cours de mon premier mandat. Il y a d’abord eu un événement personnel qui m’a mis dans une situation plus fragile, m’a rendu plus perméable et m’a permis d’avoir un autre regard sur le partage du pouvoir. Je pense aujourd’hui que personne ne peut faire l’économie d’une réflexion sur le sens de l’engagement. Suis-je dans le service ou dans l’ego ? C’est la question fondatrice. J’ai ensuite pris du recul sur mes pratiques. Les réunions publiques que nous organisions me sont apparues comme des face à face stériles, avec d’un côté un élu fournisseur, voire magicien, et de l’autre des habitants consommateurs. Ces moments n’avaient pas d’impact sur la vie quotidienne ou l’espace public. Enfin, il y a eu une prise de conscience de la crise démocratique, du fossé qui était en train de se creuser entre représentants et représentés. A mon sens, la démocratie électorale ne peut plus être la seule source de légitimité d’une décision. Il faut une démocratie continue, qui s’exprime entre deux élections et qui permet d’associer les citoyens au processus de décision. C’est la « démocratie de construction ».
Quels outils utilisez-vous pour la mettre en œuvre ?
Nous avons d’abord dédié un lieu à la délibération et à la co-construction : la Maison de la citoyenneté. Ensuite, pour chaque projet, comme la création d'un éco-quartier ou la révision du Plan Local d'Urbanisme, nous ouvrons une séquence démocratique, avec un début et une fin, qui doit être décisive et pour laquelle est mis en place un conseil participatif. L’originalité c’est l’hybridation des ressources puisque chaque conseil participatif associe toujours quatre collèges qui représentent la France en miniature : un collège d’habitants, tirés au sort et volontaires, un collège d’élus majoritaires et minoritaires, un collège d’experts internes et externes à la mairie et un collège représentant les organisations (entreprises, associations, syndicats…). Plus la composition est plurielle, plus on est en capacité de co-construire des compromis dynamiques.