Dans cette lettre, il est rappelé que « La laïcité est et demeure par principe une bataille, comme le sont l’école publique, la République et la liberté elle-même ». Vous-même avez publié trois ouvrages sur le sujet, entre 1998 et 2015. Quel constat faites-vous, 30 ans plus tard ?
CK - De nombreux « grignotages » des dispositions laïques (notamment en matière de financement des cultes) se succèdent depuis longtemps, et tentent d’acclimater – sinon d’installer - en France un modèle anglo-saxon qui reconnaît les communautés et qui promeut l’interconvictionnel. Or l’échec de ce modèle est patent, quand on pense aux récentes manifestations de Londres, de Berlin, de Sydney, où l’antisémitisme s’affiche violemment. Une association politique laïque n’est pas un ensemble de communautés, elle construit le lien politique sans référence à un ou des liens préalables (religieux, ethnique, coutumier). Grâce à cela, le régime laïque peut accueillir dans la société civile toutes les positions compatibles avec le droit commun ; les communautés peuvent jouir d’une existence juridique grâce à la législation sur les associations, mais elles n’ont aucune efficience politique, elles ne peuvent pas exiger des traitements différenciés. Les droits des individus sont prioritaires : il n’y a en régime laïque, ni obligation, ni présomption d’appartenance ; personne n’est assigné à un groupe qui prétendrait lui imposer un mode de vie ; réciproquement, personne n’est tenu de renier une appartenance, pourvu que le droit commun soit respecté. Ce modèle laïque, libérateur, est plus que jamais à l’ordre du jour.